Khoutoukhtou![43]
" 'Aussitot que les habitans de l'apre empire de neige te verront
et qu'ils entendront le son des six syllabes (Om mani padme houm)
ils seront delivres des trois naissances de mauvaise nature,
et trouveront la beatitude par la renaissance comme etres d'une
nature superieure. Les esprits malfaisans de l'apre empire de neige,
ainsi que tous les etres donnant des maladies ou la mort, aussitot,
Khoutoukhtou, qu'ils te verront et qu'ils entendront le son des six
syllabes, ils quitteront la fureur et la mechancete qui les anime,
et deviendront compatissans.
" 'Les tigres, les pantheres, les loups, les ours et autres animaux
feroces, aussitot, O Khoutoukhtou! qu'ils te verront et entendront le
son des six syllabes ils adouciront leurs hurlemens, et leur fureur
sanguinaire se changera en douceur bienveillante. Khoutoukhtou! ta
figure et le son des six syllabes rassaiseront les affames et calmeront
la soif des alteres; il tombera comme une pluie d'eau benite, et
elle remplira tous leurs desirs. Khoutoukhtou! tu es l'etre gracieux
destine a annoncer la volonte du Bouddha a cet empire de neige.
" 'Selon ton example, un grand nombre de Bouddhas s'y montreront,
dans les temps futurs, et y repandront la foi.
" 'Les six syllabes sont le sommaire de toute doctrine et l'apre
empire de neige, sera rempli de cette doctrine par la force de ces
six syllabes -
Om ma ni pad me houm.'
"Apres cette consecration, le Khoutoukhtou s'agenouilla devant le
Bouddha, joignit les mains et prononca le voeu suivant: 'Puisse-je
etre en etat de pouvoir faire parvenir a la beatitude les six especes
d'etres vivans dans les trois royaumes! Puisse-je, avant tout,
conduire sur le chemin du bonheur, les etres vivans de l'empire de
neige (Thibet).
" 'Loin de moi le desir de retourner dans mon Empire de joie, avant
d'avoir acheve l'oeuvre si difficile de la conversion de ces etres. Si
une telle pensee, produite par le degout et la mauvaise humeur,
s'empare de moi, que ma tete se fende en dix parties, et mon corps,
comme cette fleur de lotus, en mille.'
"Apres ces mots, il se rendit dans le royaume de l'enfer, prononca les
six syllabes et detruisit les peines des enfers frois et chauds. De
la il s'eleva au royaume des animaux, prononca les six syllabes et
detruisit la peine que leur produit la chasse. Puis il se rendit dans
l'empire des hommes, prononca les six syllabes et detruisit la peine de
la naissance, de l'age, des maladies et de la mort. Il s'eleva apres
a l'empire des genies du ciel, prononca les six syllabes et detruisit
l'envie qui les tourmente pour se disputer et se combattre. Enfin,
il aborda le grand Royaume de neige (le Tubet).
"Ici, il apercut la mer d' 'Otang' comme un enfer terrible, et il
vit que derechef, plusieurs millions d'etres y'etaient, bouillis,
brules, et martyrises.
"Le Khoutouktou se rendit au bord de la mer et dit: 'Oh! que tant de
milliers d'etres qui se trouvent dans cette mer, ou ils souffrent des
tourmens inexprimables par la chaleur, le froid, la faim, et la soif,
puissent rejeter loin d'eux leur enveloppe funeste et renaitre dans
mon paradis commes etres superieures. Om mani padme houm!'
"A peine le 'Khoutoukhtou' avait-il prononce ces mots que les tourmens
des damnes cesserent; leur esprit fut tranquillise, et ils se virent
transportes sur le chemin du Bouddha. Le Khoutoukhtou ayant ainsi
rendu propres a la delivrance les six especes des etres vivans dans
les trois royaumes du monde, se trouva fatigue, se reposa et tomba
dans un etat de contemplation interieure!
"Apres quelques temps il vit qu'a peine la centieme partie des
habitans de l'empire de neige avaient ete conduits sur le chemin de
la delivrance. Son ame en fut si douloureusement affectee qu'il eut
le desir de retourner dans son paradis. A peine l'avait-il concu,
qu'ensuite de ce voeu, sa tete se fendit en dix et son corps en
mille pieces.
"Le Bouddha infiniment resplendissant lui apparut dans le meme moment,
guerit la tete et le corps fendus du Khoutoukhtou, le prit par la main
et lui dit: "Fils d'illustre origine! Vois les suites inevitables de
ton voeu; mais parce que tu l'avais fait pour l'illustration de tous
les Bouddhas, tu as ete gueri sur-le-champ. Ne sois donc plus triste,
car quoique ta tete se soit fendue en dix pieces, chacune aura,
par ma benediction, une face particuliere, et au-dessus d'elles sera
place mon propre visage rayonnant. Cet onzieme visage de L'INFINIMENT
RESPLENDISSANT, place au-dessus de tes dix autres, te rendra l'objet
de l'adoration.
" 'Quoique ton corps se soit fendu en mille morceaux, ils deviendront,
par ma benediction, mille mains qui representeront les mille Bouddhas
d'un age complet du monde (en sanscrit Kalpa),[44] et qui te rendront
l'objet le plus digne d'adoration.' "
Cette legende nous explique, non seulement l'extreme importance que
les Bouddhistes du Tubet attachent a la formule "Om mani padme houm,"
mais elle nous demontre aussi que son veritable sens est celui que
j'ai donne plus haut: Oh! le joyau dans le lotus; Amen! Il est evident
qu'elle se rapporte a "Avalokites' vara" ou "Padma pani" lui-meme,
qui naquit dans une fleur de lotus.[45]
Um Mani Panee.
As will be seen by the foregoing extract from M. Klaproth's
explanation, the mystic sentence, instead of being as I have
represented it, is in reality, "Om mani padme houm," or, in a form
of spelling more English, if not more intelligible, "Om muni pudmay
hoom," and the meaning, supposing its derivation from the Sanscrit to
be beyond doubt, would, as therein translated, be, "Oh the jewel in the
Lotus, Amen!" Almost every traveller who has mentioned the inscription
in question appears to have followed M. Klaproth's pronunciation as
above; but this, although the one actually given by the value of
the Thibetian letters, is certainly not that in use by the people
among whom it is chiefly, if not alone, to be found.