Impossible de dire si elles sont posees en face ou sur un
champ quelconque. Le tout a du etre surmonte d'un heaume, car on voit
encore de chaque cote de l'ecu des lignes courbes multiples, qui
doivent necessairement representer les lambrequins; sur le cote
gauche, un bout de banderolle, mais l'artiste a du abandonner
sa premiere idee, car le haut de la banderolle se perd dans les lignes
du lambrequin.
J'ai lu dans la lettre qui accompagnait l'envoi de Madame Gugy, que
les ouvriers, qui avaient travaille aux ruines, disaient avoir trouve
la plaque de plomb, roulee avec certains documents qui seraient
tombes en poussiere au toucher. La chose me parait impossible. Le
dessous de la plaque indique qu'elle a ete posee a plat sur un lit de
mortier, et la partie gravee, du moins celle ou sont gravees les
armoiries qu'une pierre pesante a ete placee dessus, et c'est par
l'enfoncement de sa surface inegale que la plupart des lignes gravees
ont ete detruites. On voit encore dans le plomb oxide l'empreinte
d'une coquille petrifiee qui se trouvait agregee au calcaire.
En roulant le bloc superieur, les ouvriers ont pu plier le metal; de
la l'erreur de croire que la plaque etait roulee, elle a du, comme
toutes choses de ce genre, etre placee dans une cavite comme fond, ou
on avait depose le document tombe en poussiere et les "quelques sous"
que ces honnetes ouvriers ont gardes pour eux, sans doute, sans en
connaitre la valeur.
Peu habitue a lire de telles inscriptions, mais connaissant la piete
des premiers colons du Canada, j'essayai de donner un sens courant a
l'inscription et je trouvai qu'on pouvait lire ici:
Iesu Hominum Salvatore, Maria Immaculata Auspice
(Sous les auspices ou la protection de Jesus sauveur des hommes et de
Marie-Immaculee)
L'an 1634,
le 25 juillet - je - ete plantee
premiere par (ou pour) C. (chirur.) Gifart, Seigneur de ce lieu.
Jusqu'a present la chose se lit bien, le sens en est raisonnable et
positif. Supposant le chirurgien un homme instruit et lettre,
l'inscription latine se complete d'elle-meme. Mais, helas! il y un
mais, - la lettre C avant Gifart me trouble un peu. Comme je n'ai sous
la main aucun volume, aucune tradition du temps a consulter, je suis
oblige de m'en tenir aux correspondances de journaux, et je trouve
dans toutes le prenom de Robert - ce qui ne commence pas du tout
par un C! [299] Mais le C, le malheureux C, ne serait-il pas
l'initiale de Cloutier, le charpentier ou l'entrepreneur avec lequel
Gifart avait fait un contrat a Mortaigne, le 14 mars 1634, quatre mois
a peu pres avant la pose de la premiere pierre? Alors il faudrait lire
j'ai ete plantee par Cloutier, Gifart etant seigneur de ce lieu.
Je m'arrete, le souvenir de certaine inscription sur certain
pont vient troubler toutes ces belles speculations. A force de
vouloir etre savant, on pourrait faire dire a Robert Gifart des
choses qu'il n'a jamais pensees.
Si, apres tout, ce Gifart n'etait pas savant, et qu'il eut voulu
dire par I. H. S., Jesus-Christ, et M. I. A., Maria, ce serait trop
fort - J'aimerais mieux la theorie de M. le Dr. Marsden, et de M.
Bedard, Maria, Joachim, Anna. Le 25 juillet etant la fete de
saint Jacques, et la vigile de saint Joachim, il serait plus
raisonnable de penser qu'on aurait mis la construction du premier
Manoir canadien sous la protection et les auspices du saint du jour
Reste a savoir si la Saint Jacques se fetait le 25 juillet, la Saint
Joachim le 26, en l'an de notre Seigneur 1634.
Je laisse a d'autres de mieux trouver.
Quoiqu'il en soit, cette date 1634, est un centenaire memorable, car
c'est en 1534 que Jacques Cartier, visita le golfe Saint-Laurent et
c'est en 1535, qu'il remonta notre beau fleuve jusqu'a Hochelaga, cent
ans avant la premiere concession seigneuriale de Beauport.
J'ai l'honneur d'etre, Monsieur,
votre humble servt.,
Cte. d'ORSONNENS
L'INSCRIPTION DU MANOIR DE BEAUPORT.
Parmi une masse de vieux documents que je possede, concernant la
seigneurie de Beauport et ses seigneurs, j'ai trouve le recu suivant:
"Je, soussigne, confesse avoir recu un billet de cent cinquante livres
de monsieur de Beauport, pour ce qu'il m'avait promis pour faire sa
batisse de logis de Beauport.
"faict ce 27ieme juillet 1642.
"P. CLUST."
Cela donnerait peut-etre une explication des abreviations "P. C." de
l'inscription trouvee dans les ruines du vieux manoir.
En effet, il est loisible de supposer que cet architecte a fait ce que
ses confreres modernes font encore, et qu'il a grave ses initiales sur
l'inscription commemorative de la pose de la premiere pierre
plantee dans la batisse de Beauport.
H. J. J. DUCHESNAY.
La Beauce, 14 avril, 1881.
H. V'S LETTER.
(ABBE H. VERREAU?)
Une relique historique.
La Minerve a publie l'inscription de la plaque trouvee a Beauport.
Le Journal de Quebec l'a reproduite aussi; mais avec une certaine
difference. Pour l'etude des personnes eloignees et pour l'utilite de
la science, il est bien desirable qu'on en prenne de nombreuses
impressions sur platre. Si madame Gugy accorde la permission
necessaire, elle meritera certainement la reconnaissance de ceux qui
etudient notre histoire.
Il parait que le dernier chiffre de la date se lit avec difficulte. Il
est toutefois tres important de le determiner avec toute la precision
possible.
A mes yeux, la date du 25 juillet entraine plusieurs consequences qui
disparaissent avec un autre chiffre.
I. Le 25 juillet est consacre a l'apotre saint Jacques-le-Majeur. Ne
peut-on pas traduire le second groupe trilittere M. J. A. par
Majori Jacobo Apostolo, Le premier groupe, si connu d'ailleurs,
etant latin, il est naturel de supposer que le second l'est aussi.